La taverne, la vraie, la seule, l'unique!

La taverne du port était une pièce carrée, aux dimensions assez restreintes. Elle était en contrebas par rapport à la chaussée de la route extérieure, ce qui provoquait des entrées souvent précipitées, surtout étant donné la petite taille de la porte. Le comptoir s’étalait sur toute la largueur du mur opposé, droit et propre : c’était la fierté du patron, et il l’entretenait avec amour. La porte pour accéder à l’escalier était à sa gauche, à moitié recouverte par une tenture mitée. Des torches accrochées aux murs brillaient faiblement, apportant une faible lumière aux quelques vingt tables rectangulaires. La principale source de chaleur venait du feu qui brûlait sans interruption depuis le début de l’hiver dans la cheminée en pierre, sur le mur droit. L’ensemble occupé par les pêcheurs, les femmes de peu de vertu, le patron et tous les autres donnait une impression très nette de proximité peu engageantes, sauf pour les initiés. L’endroit n’était jamais sans vie : il se trouvait toujours quelqu’un pour venir raconter sa vie au patron, ce qui fait qu’il connaissait tous les potins du port. (C’était l’unique aubergiste d’un port, après tout !)

Gwendoaëlline poussa la porte, qui n’eut absolument aucune réaction. Elle força encore plus sans même réfléchir ; la porte s’ouvrit d’un seul coup, et la serveuse tomba aux pieds d’un géant barbu qui sentait très fort. Elle se releva en rougissant encore plus et marmonna une vague excuse au géant qui la regardait en rigolant. Se détournant de lui pour cacher sa honte, Gwendoaëlline se tourna vers le patron qui la regardait d’un air narquois.

"Je dois faire quoi?"

Le patron était tranquillement installé sur une chaise en bois, en train de sourire.
Il bourra sa pipe et tira deux ou trois bouffées en refléchissant:

- Pour l'instant passe le balai derrière le comptoir, ensuite tu iras voir l'autre là-bas.

Il désigna d'un geste de sa pipe une forme sombre, attablée dans un coin.
Visiblement un visiteur désirant être invisible.
Le patron ne semblait pas le connaître non plus, alors qu'il connaissait tout le monde en général, et cela le laissait perplexe.

- Il s'en fout de ne pas être servi on dirait... Il n'a fait aucun geste. Mais on ne va pas cracher dans la soupe hein? Si on peut lui faire soutirer des billets....

Il leva sa grande carcasse, s'approcha de Gwendoaëlline, et lui donna un grand coup sur l'épaule, la faisant vasciller:

- Allez! Au travail toi! Cesse de rêvasser un peu!

Et il retourna à son bar, prendre quelques consommations pour ses amis, qui payaient, quand même faut pas rêver.

*Aïe !*

Gwendoaëlline failli tomber et se rattrapa de justesse au comptoir. Rougissante, elle se hâta vers le placard où étaient rangés balais, seaux et éponges. En traversant derrière le comptoir, elle sentit sa douleur au genou se réveiller. Elle voulut le masser mais oublia qu’elle était en train de marcher ; elle se pencha donc, se prit les pieds dans sa robe et se cogna la tête au comptoir. Elle fit une galipette par terre et se fit mal à la nuque. Elle se stabilisa, cachée derrière le comptoir. Elle se massa en espérant que personne n’avait vu sa chute. Au bout de quelques instants, n’entendant aucune pique acide sur sa maladresse, elle estima que le danger était passé. Elle alla jusqu’au placard à quatre pattes, se releva en scrutant la salle à la recherche d’un regard moqueur. Soulagée de voir qu’elle passait inaperçu, elle prit rapidement le balai et nettoya l’arrière du comptoir en oubliant naturellement les coins. Puis elle rangea son attirail comme elle pût.

*Il faut que je pense à ouvrir doucement le placard la prochaine fois, sinon tout va me tomber dessus*

Elle se dirigea ensuite vers la forme sombre, isolée dans un coin de la taverne. La cheminée était dans son dos, aussi la serveuse ne pouvait pas distinguer ses traits, dissimulés sous une capuche large.

-Hum. Bonjour, euh… Vous désirez quelque chose ?

Ne voyant aucune réaction, Gwendoaëlline rouvrit la bouche pour une nouvelle tentative, mais quelqu’un passa derrière elle et la bouscula dans le dos. Elle tenta vainement de récupérer son équilibre mais ne pût empêcher sa chute : elle tomba mollement sur l’étrange visiteur. Elle s’empressa de se relever, mais elle avait eu le temps de percevoir une forme mouvante et chaude sous la cape. Elle balbutia pour cacher son trouble:

-Dé… désolée. Alors, euh… vous voulez quoi ?

L’étranger avait reculé jusqu’au bout du ban après la chute de la jeune fille. Il se tourna à moitié et une voix rauque, grave, faible et profonde lui répondit :

-Auriez-vous un morceau de viande crue à me vendre, Mademoiselle ? J’ai de quoi payer…

Il dégagea un pan de sa cape, dévoilant une main fine et blanche remplie de pièces d’or. La jeune fille, bouche bée, marmonna un vague « je reviens » et alla se renseigner sur les cas de grande fortune de passage auprès de son patron. Elle lui retransmit le dialogue, et garda pour la fin l’épisode de l’or. Elle savait que c’était une des rares choses qui touchait son patron. Triomphante, elle attendit sa réaction.

Pendant le discours de sa chère petite Gwen, il ne put s'empêcher de tourner ses yeux d'une mine "rho nan! Pas encore!" quand elle raconta qu'elle était tombée sur un inconnu.
*Ralala elle ne s'améilorera jamais ma ptite Gwen...*
Comme à son habitude, il machonnait un cure dent pour mieux se concentrer.
A la fin de de la tirade de Gwen, ses yeux s'éberluèrent quand elle parla des pièces d'or.

-C'est des vraies? T'es sûre? ... Il t'en a voulu qu'tu sois tombée?... Vaut mieux que je m'occupe de lui...

Il se leva et marcha vers la salle quand il s'arrêta et se retourna vers Gwendoaëlline.

-C'est un homme c'est ça? Et bien vas-y toi! Et évite de faire trop de bêtises! Moi j'vais lui préparer une de mes spécialté cadeau de la maison pour qu'il ramène des gens peut-être...

Gwendoaëlline ne fut pas déçue par la réaction du patron. Elle exultait en elle-même en le voyant partir, attiré par l’appât du gain. Mais cet imbécile d’aubergiste lui ordonna d’y aller à sa place : en tant que femme, il pensait qu’elle pouvait lui soutirer plus d’argent que lui… Elle ne savait même pas marcher sans tomber lorsqu’elle était sobre, alors de là à faire du charme à un inconnu imposant ! Elle gémit intérieurement mais alla derrière le comptoir, prit un des poulets normalement réservés aux chiens de l’établissement, et le disposa dans une assiette avec les couverts. Puis elle se dirigea courageusement vers l’étranger, en essayant d’adopter une démarche naturellement séduisante. En voyant les regards des habitués qui, bouches bées, la regardaient onduler du bassin, elle décida que cette technique n’était pas particulièrement discrète et cessa son manège. Elle arriva devant l’inconnu, tenta un sourire, se rappela que ses yeux lui sortaient de la tête qu’elle avait lorsqu’elle faisait ça, arrêta prestement et chercha une formule élégante pour l’inciter à manger.

Le patron de cette… hum, auberge, est particulièrement honoré de votre présence ici. Il vous souhaite un bon appétit et vous dit de ne pas vous priver de pay… de ne pas vous priver de manger, tous nos produits sont absolument de bonne qualité. Elle hocha la tête d’un air qu’elle voulait convaincu et posa l’assiette devant lui. De plus, il sera heureux de vous proposer un cocktail de la maison, entièrement offert.

Plutôt fière d’elle, elle fit le bilan. Elle ne s’était presque pas trompée, et s’était tout de suite reprise. Elle avait su rester polie et aimable. Elle était donc contente d’elle mais l’individu ne paraissait pas l’écouter : à peine le plat posé, il repoussa les couverts, prit le poulet dans ses mains et croqua avidement dedans. Décontenancée, elle commença à se retourner quand l’individu dit d’une voix calme :

Je vous remercie Mademoiselle, mais je ne bois que du sang frais, il me semble improbable que vous ayez ça en vente. C’est néanmoins très aimable. Vous remercierez cet aimable aubergiste pour moi, mais avant asseyez vous en face de moi pendant que je mange ; j’aime à contempler de jolis visages pendant mon repas. Ne craignez rien, je vous dédommagerais du salaire que vous perdrez éventuellement… dans une très large mesure. Acceptez-vous ?

Gwendoaëlline ne put que hocher la tête et s’installer en face de l’inconnu. Elle avait encore vu bouger quelque chose sur son ventre. Peut-être dissimulait-il un animal sous sa cape ? Peut-être de quoi pouvoir s’abreuver en permanence ? Elle avait déjà vu des Calanis, il en venait souvent dans l’auberge, mais ils ne se nourrissaient pas exclusivement de sang sortant juste d’un corps. Elle sentit un désagréable frisson la parcourir alors qu’il braqua ses yeux sur elle, la graisse de la volaille lui faisant luire le menton et les mains. Un éclat fauve brilla dans ses yeux à travers l’ombre qu’apportait la cape. Décidément, cet homme lui glaçait de plus en plus son propre sang et le pire, c’est qu’il semblait se délecter particulièrement de la situation. Elle baissa légèrement la tête pour regarder l’heure à la pendule accrochée derrière le comptoir.

*Oh non ! Pas déjà !*

Tous les lundis à 13 heures 30 précises, elle devait être chez leur fournisseur, dans les galeries, pour s’approvisionner en produits « frais mais pas trop », comme les fruits. Or il était bientôt l’heure fatidique…Elle se demandait comment se sortir de cette situation, et opta finalement pour l’effet de surprise. Elle débita à toute allure :

Jesuisdésoléejedoisyallerneleprennezpasmaln’oubliezpasdepayezvousserezlebienvenuesivousrevenez.

Elle gicla hors de la table, se précipita vers sa cape accrochée derrière le comptoir et sortit dans la fraîcheur et le vent.

[suite dans Les Rues]

A peine Gwendoaëlline était-elle engouffrée dans l’auberge qu’elle se sentit aspirée par son ambiance. Ces quelques minutes passées avec un individu calme et réfléchi lui avaient fait oublier les habitudes de son lieu de travail : elle se sentit brusquement agressée par les insultes, sifflements constants et relents putrides de l’endroit. D’un seul coup, elle regretta d’avoir amené Effenrir dans cet endroit, surtout pour s’éviter d’être disputée. Son regard se promenait avec consternation sur les occupants de l’endroit quand elle se dit :

-Oh non ! Pourquoi est-il encore là, lui ?

L’inconnu aux manières étranges était toujours présent, dans le même coin de la salle. Il avait l’air de n’avoir pas bougé d’un pouce et la détaillait avec une sorte de gourmandise qui la mit mal à l’aise. Gênée, elle tourna la tête et aperçut son patron, en train de discuter avec les hommes accoudés au comptoir. Il ne semblait pas l’avoir vu et elle pria pour que ce fût le cas, ainsi que pour qu’il n’ait pas eu vent de son oubli concernant la marchandise à récupérer. Beaucoup de tables étaient encore prises malgré l’heure tardive pour le déjeuner. Dans le coin opposé à l’escalier, un groupe de femmes riait fort en buvant tour à tour dans une petite bouteille. Résignée, Gwendoaëlline se tourna vers l’entrée pour voir arriver Effenrir.

Dès que la porte s'ouvrit, le son qui semblait filtré au dehors s'en retrouva décuplé... Ayant une ouie assez fine, le bruit était pour moi assourdissant mais je parvins à le supporter...

*...Vaut mieux pas que je reste trop longtemps ici...*

Je fermais les yeux quelques secondes pour m'accoutumer un peu au volume du son puis je m'avancais dans la taverne.
Le lieu semblait correspondre à la description qu'elle m'en avait faite...

Et mes déductions s'étaient retrouvées correctes....
Tout le monde parlait à haute voix, sans même faire attention à leur entourage...

*...Un lieu parfait pour récolter des informations...
...Il va falloir que je me concentre pour distiguer les différentes conversations... avec tout ces bruits...*

Après une observation rapide des lieux, je rejoignis Gwendoaëlline.

Gwendoaëlline vit Effenrir arriver et détailler l’endroit avec minutie. Malgré une légère gêne au début, il ne sembla pas indisposé outre mesure par l’apparence de l’endroit. Une fois qu’il l’eut rejointe, elle lui adressa un sourire pâle et entreprit de traverser la salle pour arriver au comptoir. Tout en passant au travers des tables encombrées, elle murmurait en direction d’Effenrir : elle lui racontait ce qu’elle savait à propos des personnages qu’ils dépassaient.

…lui, c’est le Buveur. Ca va bientôt faire 30 ans qu’il vient tous les soirs, et pendant tout ce temps, il prend la même chose : deux verres de bourbon rouge. Pour moi, il n’a jamais bu que ça…
…et le vieux bonhomme tout fripé à droite, c’est Petit Jean. Il a été pendant un bon moment un coureur de jupons très performant, mais maintenant il ne lui reste plus grand-chose, et il s’est mis à boire pour remplacer ce qu’il avait perdu…
…celui dans le coin, il n’a pas de nom. On dirait un marin, mais à mon avis, c’est plus un rôle qu’autre chose… Un habitué des tavernes, ça se voit très vite, mais lui, c’est pas ça… Par exemple, sa barbe ne date jamais plus de trois jours, et seuls ses vêtements sentent de poisson pourri. Il pose beaucoup de questions et ne raconte rien sur lui. M’est d’avis que ce n’est rien d’autre qu’un espion, ou quelque chose comme ça. Il repart toujours seul, et pas du côté du port…
…l’homme avec la capuche tout au fond, je sais pas qui c’est. Tout à l’heure je l’ai servi, il est vraiment bizarre et il a des drôles de manies…
…au milieu des femmes qui boivent à côté du comptoir, il y a leur « chef », c’est celle aux cheveux presque rouges et bouclés. C’est la plus ancienne. On raconte qu’elle a séduit des hommes très importants et qu’elle a vendu leurs secrets très cher aux dirigeants de l’île. Il y a sûrement un fond de vérité quelque part, mais ça devait pas aller plus loin que des histoires de tromperies entre couples et d’héritages douteux. Il n’empêche qu’elle a beaucoup de succès avec ces histoires…
…le blond qui dort presque sur sa table, c’est une nouvelle recrue. On ne sait pas encore d’où il vient : il veut pas le dire quand il est sobre, et il tient pas du tout l’alcool, il raconte tout de suite n’importe quoi à propos d’un pays de géants verts. Donc on peut pas savoir…

Ils étaient presque arrivés au niveau du comptoir. Gwendoaëlline murmura encore :

-Ne t’inquiète pas, il sera pas méchant avec toi. Du moins, je l’espère…

Elle avait tellement peur de se faire gronder qu’au lieu de se donner des conseils à elle-même, elle les adressait à Effenrir. Elle s’avança jusqu’au patron et le regarda juste entre les yeux, pile à cet endroit où il est possible de faire croire à quelqu’un qu’on soutient son regard alors qu’en fait, on est pas tout à fait rassuré à l’idée d’un face à face.

La porte grossière en bois s'ouvrit, poussée par une belle femme élancée, aux jambes longues, à la poitrine ferme et au port de reine. (Vive le détail ^^)

Elle fit une pose sur le seuil, lançant un long regard autour d'elle, ses yeux verts étincelant de convoitise lorsqu'elle les posaient sur certaines personnes. Et pas forcément sur des hommes.

Elle repoussa d'un geste une masse épaisse de cheveux ondulés rouges aux reflets cuivrés.

Elle fit un pas en avant et la porte claqua dans son dos. Personne ne semblait l'avoir remarquée, mais ce ne serait pas long avant que les regards ne se tournent vers elle.

La femme se dirigea vers le bar, son long manteau de cuir lui battait les chevilles, une écharpe noire voletait dans son dos, et les hauts talons de ses bottes claquaient sur le sol au rythme de ses pas.

Levant une main gantée de soie noire jusqu'au coude, elle tira un tabouret, et ouvrit son manteau pour s'installer plus confortablement.
Son geste dévoila une robe noire aux reflets rouges et au décolleté profond. Une ceinture formée d'une multitude de chaînes lui enserrait la taille, qu'elle avait fine.

Feidreiva chercha un instant dans les poches profondes de son long manteau, et en sortir un fin fume cigarettes en ivoire, et une cigarette.
Elle retira avec délicatesse son unique gant, et le disposa avec application sur le bar devant elle.
Dédaignant le briquet que lui tendait un homme à ses côtés, elle sortit son propre briquet d'argent.

La belle croisa ses longues jambes gaînées de bas résilles noirs, et aspira une bouffée de nicotine en levant les yeux au plafond.

Elle se tourna ensuite pour observer la salle, son fume cigarette valsant au bout de ses doigts, et dans le mouvement, une magnifique opale pendant à son cou au bout d'une chaîne, entourée de feuilles de cannabis entrelacées, scintilla.

Son regard passa sur les vieux habitués, sur l’homme avec la capuche tout au fond, sur les femmes rassemblées autour du comptoir, où d'ailleurs une rousse lui lançait un coup d'oeil meurtrier, s'arrêta presque sur un blond qui dormait presque sur sa table, puis s'éloigna pour stopper sur un elvin qui semblait muet.

Elle sentait les yeux des hommes qui commencaient à glisser le long de sa silhouette, et elle n'y prêta aucune attention.

Feidreiva trouvait les hommes bien trop rustres, et elle cherchait la délicatesse et la douceur féminine.

Son regard revint au bar, et elle leva la main pour attirer l'attention d'une serveuse et commander.

Je suivais Gwendoaëlline pas à pas, écoutant très attentivement les détails qu'elle donnait à chaque fois qu'elle croisait une personne....
Chaque détail pouvait avoir son importance, et je pris soin de me focaliser uniquement sur sa voix... Dans ce bruit infernal qu'était la taverne, il était en effet tres difficile de distinguer la voix d'une jeune femme au milieu des clameurs des marins...

Lorque nous fûmes sur le point d'atteindre le comptoir, Gwendoaëlline me chuchota un avertissement à l'égard du patron..
Je pouvais lire une lueur de crainte dans sa gestuelle...

Elle se présenta alors devant une personne haute de taille qu'on pouvait facilement deviner être son patron... Je restais silencieux face à lui, l'examinant du regard...

Soudain je sentis un vent d'air froid dans le dos...
Je me retournais brièvement pour apercevoir la silouette d'une femme à l'entrée... Elle semblait être une des attractions de cette taverne...
A son arrivée, la plupart des regards de la salle s'étaient focalisés sur elle...

Je détournais rapidement mon regard de celle-ci pour m'intéresser au patron..

Le patron regarda Gwendoaëlline sans la voir, occupé par plusieurs questions. Qui était l'homme au capuchon, et qui était la fille qui venait de se ramener.

Il finit cependant par faire le point, et fronca les sourcils en remarquant les bras vides de Gwendoaëlline.

- Hé bien ? Qu'est c' t'as fait pendant tout ce temps?

Ce n'était pas un mauvais bougre mais il était plutôt bourru.
Il aimait bien sa petite serveuse, même s'il n'y paraissait pas.

- Depêche, on a du monde!

Il grommella dans sa barbe:

- Ils ne se décident jamais à manger à l'heure, faut toujours qu'y sarrivent quand je fais ma sieste....

*Et zut… Il pourrait quand même perdre la mémoire, au bout d’un certain temps, mais non ! Maintenant faut que je trouve une raison*

-Hum… J’étais sur le chemin pour aller chercher vos fruits, c’est vrai, je vous l’assure, mais en fait, je me suis un peu perdue, et bon, ben… Disons que j’ai rencontré quelqu’un, et que… enfin, non, j’ai pas rencontré quelqu’un, enfin si, mais pas dans ce sens, et en fait…

Elle s’arrêta. Il fallait limiter les dégâts, sinon la situation deviendrait pire.

-Voici Effenrir, qui n’est jamais venu à la taverne. Je lui ai proposé de venir y faire un tour. C’est un Elvin… Il m’a aidée à retrouver mon chemin.

Elle ne précisa pas comment, ça n’aurait pas fait sérieux. Cependant, elle savait que son patron portait un grand intérêt aux Elvins… Elle pensait que lui-même aurait voulu en être un.
Elle jeta un coup d’œil inquiet à l’inconnu toujours encapuchonné, qui semblait regarder dans sa direction. Elle ajouta d’un ton plaintif :

-Je dois aller aider au service ?

Une fois entré, Tjall fut étourdit par le bruit car il venait de rester un long moment au silence.
Voyant certains regards étonnés dirigés vers lui il baissa les yeux et se rendit compte du piteux état de ses vêtements.

*Oh-oh, je n'aurais peut être pas dû entrer! Enfin, de toutes manières, je n'ai pas d'argent et je ne peux donc pas acheter de vêtements alors tant pis, je me jette à l'eau!*

L'expression était d'ailleurs mal choisie vu que de l'eau, il en sortait. (OK OK, j'men vais...^^)

Tjaal inspira un grand coup puis parla enfin en élevant la voix pour se faire entendre de tous. Sa voix était rauque et il avait mal à la gorge mais il ne s'arreta pas.

-Euh, bonjour, est-ce qu'il y aurait parmi vous, s'il vous plait, quelqu'un qui pourrait m'indiquer quand part le prochain bateau à destination de la France?

Il attendit ensuite une réponse, espérant que la date n'était pas trop éloignée.

Une fois de plus, Gwendoaëlline hésitait dans ses paroles, comme si à tout moment le patron allait lui crier dessus...
Peur et apréhension se sentaient dans sa voix... et son regard, que je n'apercevais pas devait sûrement le montrer aussi...

Au bout d'un certain moment, elle put tant bien que mal, après quelques explications, me présenter devant son patron...
Lorsqu'elle cita mon nom, je m'avancais pour me mettre en évidence et je courbais légèrement la tête en signe de salutation...

Je ressentis un autre courant d'air froid...
Quelqu'un d'autre avait pénétré dans la taverne mais, cette fois-ci je ne me retournais pas... je continuais à observer le patron.

L’attention de la serveuse fut détournée par une voix qui s’éleva de l’autre bout de la salle : un jeune homme venait d’entrer dans la taverne et de réclamer un bateau pour « la France ».

*Le pauvre !*

La découverte de la situation dans laquelle on était une fois arrivé à Kerya n’était jamais quelque chose de plaisant. Gwendoaëlline se souvenait de sa propre expérience à la Tour du Ciel, et elle plaignit le jeune homme qui venait d’entrer. Le mot « France » lui rappelait bien quelque chose, mais elle supposait que c’était un royaume à son époque. Elle avait du mal à assimiler la position de Kerya au niveau du temps, et ce mélange des époques était pour elle toujours assez perturbateur.
Néanmoins, personne ne semblait vouloir répondre au nouveau venu. Tous les clients semblaient assez gênés par la situation dans laquelle ils se trouvaient. Gwendoaëlline coula un regard vers Effenrir et vit qu’il concentrait son attention sur son patron. Elle ne prit pas la peine de vérifier pour ce dernier : elle aurait parié qu’il lui rendait son regard. Son cœur se serra. N’y avait-il personne pour expliquer à ce malheureux qu’il ne pourrait jamais rentrer chez lui ? Ils étaient donc tous si insensibles que cela ? Quelle cruauté !
Le jeune serveuse rougit en réalisant qu’elle agissait comme ces insensibles cruels. Elle prit donc ce qui lui semblait être une décision fatale, mais elle ne pouvait pas rester les bras ballants.
Elle s’avança un peu pour sortir du groupe que Effenrir, le patron et elle-même avaient formé, et s’adressa, à peine audible, au vide qui la séparait du jeune homme.

-Je suis désolée. Vous ne pourrez jamais rentrer chez vous.

*Ce n’est peut-être pas le meilleur moyen de lui apprendre*

Elle se reprit, d’une voix plus forte, mais toujours très modérée :

-Je veux dire… Hum. Vous êtes dans un lieu très spécial. Vous avez traversé une sorte de barrière qu’on ne peut passer que dans un seul sens, et encore, si on a de la chance, sinon on meurt. Mais on ne peut pas la traverser pour retourner de l’autre côté. Ici, il y a beaucoup de gens différents qui ont tous traversé cette barrière. Vous vous habituerez à l’endroit. Mais avant, vous devez voir les responsables de la ville, Kerya, ici, cette ville s’appelle Kerya, comme l’île, donc je disais, les responsables de la ville, le conseil et tout… Je connais pas très bien le système, mais vous devez prévenir de votre arrivée. Ils s’occuperont de vous.

Elle s’arrêta de parler, consciente que dire cela sans proposer de le conduire vers les responsables était malpoli, mais trop peu sûre de son sens de l’orientation pour le faire. Elle espéra que le nouveau venu avait tout compris et qu’il ne lui tiendrait pas trop rancune d’avoir briser ses espoirs.

En se tournant légèrement, elle vit une dame qui semblait vouloir commander depuis un temps certain. Elle ne pouvait pas la servir alors que la patron ne lui avait pas donné ses ordres. De plus, elle était sûre que tout le monde avait braqué son regard sur elle.

*Je n’aurais jamais dû parler ! Je fais toujours tout à l’envers !*

Affolée, Gwendoaëlline se tourna vers le patron pour qu’il reprenne le contrôle de la situation. Après tout, c’était son auberge !

(Désolé pour le temps que j'ai mis, j'étais en vacances!)
Tjaal vit que tous les regards s'étaient braqués sur lui lorsqu'il avait parlé mais qu'ils s'étaient ensuite detournés rapidement. Il ne cmprenait pas pourquoi personne ne lui répondait.

*Je me suis pourtant bien fait comprendre...Oh non! peut être ne parle-t-on pas français ici!*

Il cherchait tant bien que mal à trouver ses mots en anglais lorqu'il entendit une petite voix s'élever. Il ne comprit pas tout de suite mais la phrase finit par entrer dans son cerveau.

"Vous ne pourrez jamais rentrer chez-vous"

Il était fait prisonnier, à coup sur c'était ça...on allait se servir de lui comme esclave et il allait mourir ici sans revoir sa famille.
Tjaal restait sans bouger, paralysé.
Puis, la voix s'éleva à nouveau, plus audible cette fois-ci.
Il essaya de suivre le discours de la jeune femme qui parlait mais avait du mal à assimiler tout ce qu'elle lui disait.
Il n'était pas prisonnier.

"Mais on ne peut pas la traverser pour retourner de l'autre côté."

Il ne comprenait pas très bien cette histoire de barrière, mais il avait compris qu'il ne pourrait jamais, jamais rentrer chez lui.
Aprés cette phrase, il avait un peu décroché mais il avait compris qu'il y avait des chef de cette ville, Kerya.

*Je ne peux pas rentrer, mais il y a peut être un moyen de correspondre avec ma famille! Je dois parler à ces chefs!*

Après quelques minutes de réflexion, il se dirigea vers la jeune femme qui avait était la seule à être assez gentille pour lui expliquer un peu la situation, puis lui adressa la parole:

-Mademoiselle, je vous remercie de vos explications, seulement, je voudrais parler à vos... représentants. Pourriez-vous m'y conduire?

*Et voila ! Ca t’apprendra à te conduire comme une idiote ! Maintenant, comment tu vas lui dire que tu sais absolument pas comment aller jusqu’aux dirigeants ? Tu vas passer pour une maligne, tiens ! Et comment je fais ? Si seulement ce tavernier vicieux se décidait à intervenir ! Mais non, il faut que je me débrouille seule, comme toujours. Je vais finir par croire qu’il fait exprès de me mettre dans des situations embarrassantes… Si ça se trouve ce jeune homme est peut-être payé pour que je passe pour une malpolie…*

Gwendoaëlline se mit à observer le jeune avec attention. Il avait l’air un peu perdu mais c’était peut-être de la comédie. S’il n’était vraiment pas au courant du fonctionnement de Kerya, il allait avoir des surprises… Elle le scruta. Etait-il Calanis, Elvin ou Humain ? Elle ne voyait aucune anomalie significative. Il ne devait pas être sur l’île depuis très longtemps, ou alors il était tout simplement Humain.

La serveuse en était là de ses réflexions quand elle se dit qu’il était peut-être temps d’agir. Elle pouvait toujours l’amener un peu partout dans la ville, en lui expliquant un peu les particularités de Kerya. Peut-être même qu’elle réussirait à trouver la chemin de la rue principale grâce à la technique ultrasophistiquée de Effenrir.

*Oh, zut ! Je l’avais oublié, lui !*

Elle n’avait jamais eu autant de choses à faire en même temps. Pouvait-elle se permettre de laisser Effenrir et son patron seuls ? Finalement, il était bien assez grand pour pouvoir se défendre.

*Je vais d’abord voir ce qu’en pense le patron, et s’il est d’accord, j’accompagne ce jeune homme dehors. De toute façon, il meurt d’envie de rester avec Effenrir, alors…*
Elle s’adressa au barman :

-Hum… Est-ce que j’ai l’autorisation d’amener Monsieur là où il pourra se renseigner sur Kerya ? Je reviendrais bientôt pour aider au service…

Un coup d’œil sur le côté lui apprit que la femme était toujours là. Mais apprendre à ce nouveau les règles de Kerya lui paraissait plus important que de boire un verre. Elle attendit donc que son patron daigne lui accorder son autorisation.

Feidreiva s'était lassée de garder la main en l'air, et avait la mine boudeuse, contrariée que personne n'ait la délicatesse de lui accorder de l'attention.

*J'aurais mieux fait d'aller aux Loupiottes*

Elle repoussa d'un geste une mèche de ses cheveux rouges aux reflets cuivrés en soupirant d'ennui.

Lorsque le jeune homme entra, elle ne l'observa qu'avec une attention peu concentrée. Mais elle suivit par contre son début de conversation avec la serveuse avec attention.

Elle se décida, et décroisa ses longues jambes.
Se levant gracieusement, elle remit son gant, et dirigea vers la serveuse et son interlocuteur, sns prendre le temps de fermer son long manteau de cuir, ce qui dévoilait largement sa petite robe noire.
Sa ceinture produisait de légers tintements à chaque pas.
Elle reserra par contre son écharpe noire.

Elle stoppa devant les deux jeunes, campée sur ses hauts talons, et attrapa son fume cigarette entre deux doigts avant de prendre la parole, d'une voix de gorge, une main posée sur la hanche:

- Vous êtes donc nouveau? Pauvre petit...

Mais son expression et son ton de voix ne paraissaient pas du tout convaincants.
Elle tourna la tête vers Gwen en souriant gentiment, son opale scintillant dans le mouvement.

- Si vous êtes trop occupée, je peux me charger d'accompagner le jeune homme... J'ai tout mon temps.

Elle rajouta d'une voix amusée:

- Et je pense que je le ramènerais. Cela me donnera une occasion de revenir. Peut être que je serais servie cette fois.

Ses yeux aussi souriaient, montrant que ce n'était pas vraiment un reproche.

Gwendoaëlline rougit jusqu’aux oreilles. Une femme de grande allure avait proposé de faire ce qu’elle venait elle-même de proposer. Comment s’effacer dignement ? La serveuse était tout à fait consciente qu’entre elle et la grande dame, il n’y avait aucun doute quant à la préférence du nouveau. Le pauvre avait besoin d’être encadré, et ce n’était pas elle, avec sa timidité naturelle et ses gaffes constantes, qui allait faire l’affaire. Sans compter que la ravissante jeune femme connaissait sûrement le chemin de la Tour du ciel…
D’un autre côté, tant mieux. Ca la débarrasserait de deux problèmes en même temps. Elle aurait enfin le temps de voir comment Effenrir et le patron s’entendraient, et peut-être même de finir de servir l’autre client étrange… Quoique, en y réfléchissant deux secondes, elle n’y tenait pas vraiment. Les accompagner tous les deux serait peut-être une solution… De toute façon, ce n’était pas à elle de décider. La jeune femme s’était proposée, et elle n’avait d’autres choix que de se plier à sa volonté. Elle hocha donc vaguement de la tête en disant :

-Euh… Bon. Si vous y tenez. Je … Je suis très occupée de toute façon.

Néanmoins, elle ne put s’empêcher de ressentir un peu de rancœur envers la jeune femme. Elle lui avait en quelque sorte dérobé une occasion de sortir un peu pour échapper aux questions au barman. Si lui aussi pouvait se décider à agir… S’il se bougeait un peu… Elle voulait bien tout décider toute seule mais elle savait qu’elle se ferait disputer après, alors cela n’avait aucun intérêt…

Lorsqu'il vit que sa proposition avait l'air d'embêter la jeune femme, Tjaal se sentit géné.

*Elle a été très sympatique et voilà que pour la remercier je l'oblige à m'accompagner... là-bas*

Cependant, il n'eut pas le temps de la remercier à nouveau car une autre femme s'était approchée et lui avait adressé la parole.

"...pauvre petit..."

Le ton qu'elle avait employé ne lui plaisait pas du tout, mais il ne savait que répondre. Lui qui était d'habitude plutôt du genre à trouver réponse à tout restait muet devant cette femme.
Et voilà qu'elle proposait de l'accompagner à la place de l'autre femme!
En vérité, en temps normal, il serait volontiers resté avec une femme de son genre, mais sa remarque l'avait énervé.

*Oh non, je vais donc rester avec elle? Et bien j'espère que ce n'est pas trop loin!*

En même temps, il pensa que l'autre jeune femme serait très heureuse de ne plus avoir la corvée de l'accompagner .

-Bon alors je pars avec vous, madame, merci de votre offre.

Puis il se rendit compte qu'elle avait aussi proposé, ou plutôt, qu'elle avait prévu, de le ramener ensuite.

*Ben dit donc, elle se prend pas pour n'importe qui celle là! Je n'aurais peut ête pas envie de revenir moi!*

Mais il ne dit rien et se tourna vers la femme qui allait l'accompagner, attendant qu'elle lui montre le chemin.

Le patron s'était approché doucement, et avait allumé sa pipe après avoir fouillé un instant dans ses poches.
Il produisait des ronds de fumée en fixant le plafond.

"Hum… Est-ce que j’ai l’autorisation d’amener Monsieur là où il pourra se renseigner sur Kerya ? Je reviendrais bientôt pour aider au service."

Il se demandait secrètement si sa petite Gwen n'était pas tombée amoureuse, car il adorait les histoires de coeur.
Il avait vraiment besoin d'elle pour servir, mais il avait aussi envie qu'elle accompagne le jeune homme.

Et puis cette superbe fille, la calanis, l'interessait. Il l'avait enfin reconnue. Il en avait entendu parler, mais ne l'avait jamais vue, et il avait comme une impression.
Il ne tenait pas à laisser Gwendo trop longtemps en sa compagnie, elle pourrait lui donner de mauvaises habitudes.

Bon, qu'allait il faire....

Il posa sa grosse patte sur l'épaule de sa protégée:

- J'ai besoin de toi petite, je suis désolé. Mais si le jeune homme le désire, il peut rester pour manger un bout.

Il se força à prononcer les mots qui suivaient sans grimacer:

- Je ne lui ferait pas payer. Pendant ce temps tu serviras les clients... Et la jeune dame qui se proposait pour l'accompagner.

Il inclina la tête en direction de Fei en disant ces mots.

Feidreiva sourit. Elle parvenait sans effort à lire l'esprit des simples humains qui se trouvaient devant elle.
Son sourire dévoila deux canines blanches qui tranchaient sur le rouge profond de ses lèvres. Et qui paraissaient inquietantes...
Le jeune serveuse lui paraissait pas mal perdue...
Et pas particulièrement ravie de sa proposition.

"Euh… Bon. Si vous y tenez. Je … Je suis très occupée de toute façon."

Feidreva s'aprêtait à lui proposer de l'accompagner lorsqu'elle avait dit cette phrase.
Mais elle fut singulièrement agacé par les pensée du jeune homme. Et lorsqu'il lui dit qu'il venait avec elle, elle ne souriait pas du tout... Les hommes, tous des rustres... Elle ne tenait pas du tout à rester avec un garcon qu'elle n'apréciait pas.
Finalement, elle fut assez heureuse de ce que proposa le patron.
Elle attrapa de chaque main un bout de sa cape, et fit un simulacre de révérence.

- Moi cela me va parfaitement.

Et elle s'installa à une table en proposant à Tjaal de prendre place avec elle, les tables libres étant rares.

La serveuse entendit avec une pointe de soulagement mais aussi de déception le patron lui dire de rester. Elle sourit intérieurement lorsqu’il proposa aussi aux jeunes gens de rester pour manger. Il devait se faire pas mal d’idées, et cette jeune femme provocatrice devait l’intéresser…
Gwendoaëlline jeta un coup d’œil vers Effenrir. Il n’avait pas dit mot depuis l’arrivée du nouveau (le troisième en partant de la droite… c’est fou le nombre de nouveaux ici). Peut-être avait-il envie de se joindre à eux… Sans compter qu’une table de trois était plus facile à servir qu’une table de un plus une table de deux. De toute façon, s’il ne voulait pas, il le dirait… Mais Gwendoaëlline pensait que la jeune femme était assez attractive pour le convaincre de se joindre à eux. Elle se tourna donc franchement vers Effenrir et dit :

-D’accord, je vais vous servir. Ce jeune homme peut aussi se joindre à vous. S’il le désire, évidement…

Elle se tourna ensuite résolument vers la femme en espérant que les deux jeunes hommes suivraient son exemple. Effenrir ne parlait pas beaucoup mais peut-être qu’il pourrait écouter… Et il serait peut-être plus à même d’évoquer avec délicatesse la situation du nouveau que la grande femme moitié moqueuse. En résumé, ça valait peut-être mieux qu’il vienne. Si le patron commençait à discuter avec eux, il y avait des chances qu’il le suive.
La serveuse se tourna vers la femme élancée et plaqua un sourire sur son visage :

-En attendant les décisions de ces messieurs, voulez-vous passez votre commande ?

Le patron lui avait proposé de manger ici, et, maintenant qu'il y pensait, Tjaal préférait avoir le ventre plein avant de parler aux "chefs" de cet endroit. De plus, il n'avait pas d'argent et il sentait que c'était une offre vraiment généreuse de la part du patron de lui offrir le repas.
Pour finir il pourrait en savoir plus sur cet endroit en discutant avec ses gens, et pourrait en plus montrer à l'autre femme qu'il n'était pas "pauvre petit", mais un véritable homme (il avait fait la guerre lui, et la plus terrible qu'il n'y ai jamais eu et qu'il n'y aurait jamais et il avait même été nommé caporal après avoir mené à bien une mission !).

*La guerre... mais si je dois rester ici, je n'aurais pas a y retourner !*

Puis, il se rapppela qu'il était censé répondre à l'invitation qu'on lui avait faite.

- Et bien, je... merci beaucoup pour votre proposition, et j'accepterais volontiers de manger aussi avec... et...?

Il se tourna vers la femme et le jeune homme pour connaitre leurs prénoms.

Le patron vit toute la réflexion de Tjaal se refléter sur son visage. Il accepta finalement... Le tavernier aurait été très vexé si cela n'avait pas été le cas, car il avait tout de même renoncé à leur faire payer. Ce privilège ne pouvait pas être refusé.
Tjaal accepta donc et s'enquit des noms des autres invités : le nouvel Elvin et la jeune femme provocatrice.

Le regard du patron s’attarda sur cette magnifique créature. Elle ne venait pas souvent, mais c’était à chaque fois impressionnant de voir tous les regards se tourner vers elle et y rester attachés. A vrai dire, le patron, à quelques mètres à peine de cette jeune femme, n’aurait pas échangé sa place, même pour toutes les auberges du monde. Il pouvait voir les légers mouvements de ses bras, et même percevoir la cadence de sa respiration au rythme des soulèvements de sa poitrine. Entre elle et le nouvel Elvin, le repas pouvait être très intéressant…

*Comment ma petite Gwendo a-t-elle dit qu’il s’appelait, déjà ? Ah oui… Effenrir… Il a pas l’air très bavard, mais il sait où se placer. Un petit jeune, apparemment… Ce déjeuner tardif va être vraiment très intéressant…*

Mais pendant que les réflexions du patron poursuivaient leur cours tumultueux, personne ne répondait. Le patron s’aperçut de ce silence et s’étonna de cette réaction de la part d’Effenrir. Il n’avait vraiment pas l’air d’être du genre à se défiler…

*Bon… Il va encore falloir que ce soit moi qui intervienne… Déciment ! Je suis aubergiste, pas directeur d’une agence de rencontres !*

Le patron eut un mouvement de tête en direction d’Effenrir avant de commencer.

Puisque notre jeune ami semble avoir perdu sa langue, je répondrais à sa place. Il se nomme Effenrir… J’ai peur de ne pouvoir vous dire plus de choses sur lui, car je viens moi-même de le rencontrer. Néanmoins, il m’est d’avis que c’est une personne toute à fait intéressante.

Il eut ensuite une inclinaison de tête envers la beauté hautaine.

Quant à cette charmante demoiselle, je ne connais pas même son nom et je dois avouer que j’en suis fort marri… Mais nous allons nous attabler ensemble, cela va donc être une excellente occasion de faire connaissance.

Le patron marcha jusqu’à la table la plus proche et tira une chaise en fixant ostensiblement la jeune femme, espérant qu’elle comprenne ainsi qu’elle devait s’installer sur cette chaise préparée à son intention.

Notre serveuse sera Gwendoaëlline, que vous connaissez déjà. Gwen, va chercher un pot d’eau et un tonneau de bière pour ces messieurs. Quand ils seront installés, tu prendras leurs commandes.

Il ajouta en direction de Tjaal:

Au fait, mon garçon, vous ne vous êtes pas présenté non plus. J'aimerais savoir qui j'ai invité à manger dans mon auberge, si cela ne vous dérange pas.

Après l’intervention de Tjaal, Gwendoaëlline s’était sentie très mal à l’aise pour lui. Personne ne semblait disposé à lui répondre, et ce malgré une formulation tout à fait correcte de sa demande. Elle-même ne pouvait pas se permettre de répondre pour Effenrir, elle n’était qu’une misérable serveuse pas du tout apte à suivre les mondanités imposées en ces circonstances.

L’intervention du patron la soulagea quelque peu. Au moins, l’atmosphère changeait, même si la tension naissante qu’elle sentait entre le nouvel arrivant et la grande femme n’avait pas l’air de disparaître.

La serveuse plia son carnet et s’éloigna. Le patron avait dit : «un pot d’eau et un tonneau de bière». Dans leur code, cette formulation signifiait qu’elle devait rapporter de la bière dans des chopes de taille moyenne. Elle passa donc derrière le comptoir et remplit des récipients selon les consignes données. En levant le regard, elle s’aperçut que son patron avait tiré une chaise pour la jeune femme. Elle s’esclaffa intérieurement… Il ne reculait devant rien. Bien à l’abri derrière son comptoir, elle se préparait à observer les réactions des conviés.